Les Mercredis du Cercle freudien

 

Articulés autour d’un thème de l’année, Les Mercredis sont, depuis les débuts du Cercle Freudien, le lieu où s’élaborent en commun les avancées de chacun.

Ils constituent un espace de travail, de rencontre et d’échange propre à former et entretenir les liens fondant une communauté psychanalytique.

Cet espace est ouvert à celles et à ceux qui s’intéressent au travail en cours et qui souhaitent faire connaissance avec notre association.

 

10, passage Montbrun 75014 Paris
à 21h15

M° Alésia, (entrée principale sous le porche)

Participation aux frais : 10 euros

 
 

2023-2024

De quoi être fou

 

Cette formule peut paraitre un peu « infamilière » pour un thème de l’année, et de fait  elle est foncièrement équivoque : qu’entendre sémantiquement par « fou », entre psychose et affolement, entre détresse et excitation, errance et extase ? Par « de quoi », entre cause et objet ? Par « être », entre état et devenir ?…  Et syntaxiquement : assertion, exclamation, interrogation ? 

Elle fait d’abord écho à un air du temps qui porte aux limites de la « raison », y compris peut-être de la « raison depuis Freud »[1], au point qu’il faudrait nous atteler à inventer quelque chose comme une « raison depuis Lacan » pour tenter d’être à la mesure du fol aujourd’hui. Au-delà des effets de la période covid, n’est-elle pas un révélateur symptomatique du devenir accéléré de ce qu’on appelle « anthropocène » ? Le signifiant « être fou », dans toute l’ambivalence de ses usages, pourrait-il alors être un mot de passe pour réinventer cette « raison merveilleuse et imprévue » à laquelle Rimbaud (poème : Génie) nous convoque ?

Il ne s’agit certes pas, pour nous, de rendre compte de la « folie du monde », mais d’en prendre la mesure pour autant que la psychanalyse, si elle est excentrique par rapport à toutes sortes d’autres pratiques sociales[2] n’est pas extraterritoriale :la cure ne conduit pas les patients à exister dans les limbes mais, dans leur singularité, à ex-sister au monde.

Une telle formule peut donc accueillir les travaux qui s’efforcent de prendre la mesure de l’incidence du bouleversement sociétal sur la clinique, et inversement faire valoir les ressources de notre pratique pour penser ce qui nous arrive, comme par exemple l’émergence des discours sur le transgenre ou la trans-identité ou sur l’inceste et les violences faites aux femmes… Elle peut aussi s’ouvrir à des élaborations folles de certains sujets, artistes ou simples patients pour peu qu’on ne les réduise pas à une pathologie.  Et encore, donner à partager des élaborations qui tentent de rendre raison de l’analyse poussée jusqu’au bord du possible. Sous ce thème, on pourra donc retravailler nos fameuses catégories « pernepsy », que la psychanalyse a déjà dévoyées de la psychiatrie en en parlant en termes de structures (variétés de la prise dans le langage) et de transferts spécifiques.

 

Cette « folie » peut aussi affecter nos corps et inviter à prendre en compte un savoir inconscient du corps comme par exemple chez Michèle Montrelay, tout comme l’histoire voire la préhistoire du Sujet ; et affecter la psyché dans sa complexité, dimension subjective délaissée par la science et la médecine et par nombre de discours publics particulièrement bruyants, agressifs et intolérants qui reviennent à forclore ou dénier l’inconscient.

 

Le thème de l’année consiste donc moins en un fil notionnel qu’il n’offre une tresse, elle-même un peu « folle », de fils hétérogènes. Un peu folle au sens où elle prend acte de ce que les pensées établies semblent s’affoler de nos jours, au risque d’une grande confusion de pensée. Ce qui nous appelle d’autant plus à un renouvellement de la raison analytique afin de pratiquer l’analyse, y compris à contre-courant…

[1] Lacan, sous-titre de L’instance de la lettre.

[2] Ou « discours » au sens de Lacan.

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