Alain Deniau – In memoriam Philippe Rappard

Je connaissais Philippe Rappard depuis 1972. Avant, c’était dans le lointain de l’effervescence de Mai 68 dans les hôpitaux. Dans la refonte de la psychiatrie qui en est née, il a été un élément moteur, présent et discret pour son application. A la Commission d’Enseignement de la Psychiatrie de la Pitié-Salpétrière, il faisait entendre la dimension de la psychiatrie classique (il avait été interne à Bonneval chez Henri Ey) et la spécificité de la psychanalyse. Il avait été en contrôle avec François Perrier qui allait, quelques années plus tard, être mon analyste et avait fait son second contrôle avec un analyste de l’APF dont j’oublie le nom. Depuis la seconde fondation de l’EFP en septembre 1964, il en était membre.

Ce travail ensemble,pour transmettre la psychiatrie et l’objet de la psychanalyse, en lien mais chacun à sa place, aura duré environ 10 ans. Environ 500 jeunes psychiatres sont passés par ce modèle d’enseignement qui s’est ensuite éteint. Rappard, en reconnaissance du travail effectué et de l’ouverture du CHSBD à la formation des jeunes psychiatres, avait été nommé Maître de Conférence du Collège Hospitalier Pitié-Salpétrière.

Quand la psychiatrie a été constituée en discipline indépendante, dans l’inspiration des collèges de psychiatrie, nés pendant Mai 68, s’est créée à la Salpétrière une Commission de Psychiatrie dont Rappard et moi étions membres. La première année, dite année probatoire, avait deux semestres caractérisés par deux supervisions collectives. J’en ai assumé un semestre pendant dix ans. Rappard intervenait à la fois par des cours magistraux et par un séminaire sur l’institution jusqu’à la disparition en 82 de ce mode d’enseignement qui articulait la psychiatrie classique avec la psychanalyse lacanienne.

Jusqu’en 1992, j’étais avec lui à la Commission Médicale d’Établissement. C’était toujours un plaisir de l’écouter et d’apprendre. Il donnait toujours les références de sa pensée et les sources de son érudition. Je n’ai lu que deux de ses livres « la folie et l’État« , 1981 et L’État et la psychose,2000. Il n’a donné qu’un seul article à Che Vuoi? publié dans N°13 Le mouvement de l’analyse. Cet article est le produit de sa discussion avec Shmuel Trigano « L’identité et son mouvement ». Il l’avait titré « De la judéité de Freud et de la catholicité de Lacan ».

Il faudrait aussi parler de son engagement citoyen en particulier auprès de la ville d’Étampes, de son engagement à gauche jusqu’à devenir « compagnon de route du PCF », de son soutien permanent aux usagers de la psychiatrie publique. Bref, un homme d’une grande exigence morale, un homme exemplaire, un Mensch nous quitte. Le tout avec une bonhomie souriante et accueillante. Un temps qui parait lointain avec les neurosciences et le DSM…

Que sa famille reçoive mes condoléances et ma sympathie profonde.

Alain DENIAU
Psychiatre des Hôpitaux Honoraire Psychanalyste