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Paris
Jacques Nassif
À quoi tient que la psychanalyse puisse sortir de l’impasse ?
14 octobre 2023 @ 14 h 30 min - 17 h 00 min
Aux portes de la Cité une clameur se fait entendre : celle des femmes. Ce n’est pas encore l’armée des Amazones ; elles ne parlent pas toutes d’une seule voix, mais dans chaque foyer et même au cœur de l’État, chaque fois qu’une injustice est faite à un corps à cause de son assignation à un sexe, le cri se fait plus audible pour dire que quelque chose ne va plus au sein de cette volonté de faire couple par laquelle le désir pouvait se faire admettre.
Être en couple, se dire en couple ne va plus de soi, à moins en tout cas de tenir compte et de nouvelles identités et du refus de l’inégalité entre les sexes, au point de changer la loi, prétendument immuable, de ce qui se voulait être une nature humaine. Un événement probablement aussi fort que la Mort du Roi en Occident et la fin de l’inégalité induite par la seule naissance, qu’elle concerne cette fois les sexes, après avoir touché les sujets, est en train d’imprimer sa marque dans la civilisation.
La psychanalyse a-t-elle vraiment pris en compte l’advenue d’un tel événement ? S’étant principalement intéressée à la bonne insertion d’un individu dans sa famille et dans la société, le couple qu’il pourra former s’il parvient à se détacher de celui avec son père ou sa mère, n’a pas été mis au centre de ses préoccupations. Le moment n’est-il donc pas venu pour cette discipline de se décentrer à nouveau et de ne plus réduire les problèmes d’un couple à ceux de la sexualité infantile et de son après-coup, pour s’apercevoir que les couples se forment au nom d’un amour qui n’est pas seulement, selon la version apprise, ce qui permet de “condescendre au désir” sexuel, pour l’excuser, mais ce qui ouvre une voie d’accès à ce nouveau monde de la rencontre grâce à laquelle tout devient permis ?
Or il s’agit pour cela de pouvoir enfreindre le lien social programmé dans l’enfance, qui instaure une ségrégation entre les sexes, à partir du moment où est inculquée une pudeur qui se verra renforcée par la honte ; et cela, aux fins de ne plus éluder l’expérience merveilleuse de ce féminin qu’est pour chaque sexe l’invention d’un Autre dont il peut tout attendre, parce qu’il partage son charme, au lieu de subir les injonctions d’un désir nécessairement violent, parce qu’autrement constitué.
Et ce n’est pas dans Freud et Lacan que cette voie m’a été ouverte, mais dans le sillage d’une lecture de Georges Bataille, revisité dans des textes qui ne sont plus de fiction, mais de transmission d’une expérience, qui est celle de tous les analysants d’aujourd’hui, telle qu’elle peut être vérifiée à l’aune du théâtre de Kleist, quand il reprend des mythes qui me paraissent plus fondateurs que celui d’Œdipe : ceux précisément des couples d’Alcmène et d’Amphitryon, au mieux, ou celui, au pire, d’Achille et de Penthésilée, dont le retour serait donc à conjurer.