À propos du projet de loi sur la psychiatrie
La psychanalyse est née sur le terrain du soin psychique, et elle y reste liée bien que son champ déborde largement les enjeux thérapeutiques stricto sensu.
À ce titre, le Cercle Freudien est concerné par les attaques dirigées contre une psychiatrie se refusant à une dérive sécuritaire, au formatage et la normativation des personnes en souffrance.
Cette politique s’affirme insidieusement depuis plus de 20 ans sous les coups d’une idéologie bureaucratique visant la transparence, la traçabilité et l’évaluation des actes.
Nous en mesurons les effets délétères sur la psychiatrie dont l’accueil
à la dimension du sujet était largement redevable à son ouverture à la psychanalyse. Les pratiques psychiatriques se sont progressivement dégradées, bien souvent réduites à la seule prescription médicamenteuse, aboutissant même quelquefois à l’abandon pur et simple des patients.
Une telle dégradation vaut aussi pour les soignants, de plus en plus dépourvus de toute formation clinique, enseignés le plus souvent dans une perspective instrumentale qui récuse explicitement toute approche psychanalytique.
Cette régression vient de prendre un tournant plus violent.
Avec le projet d’une nouvelle loi sur la psychiatrie, nous entendons clairement se déployer la haine de la folie et la volonté de l’enfermer, voire de l’éradiquer.
Le Cercle Freudien, qui a soutenu dès le premier instant les initiatives du « Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire », dénonce cette loi sécuritaire qui reprend de façon perverse les idéaux de soin ambulatoire promus par la politique de secteur et la psychothérapie institutionnelle, pour promouvoir des soins sous contrainte dans l’extrahospitalier. Se dessine ainsi une perspective inquiétante qui, en prétendant abolir « les murs de l’Asile », ne fait qu’ouvrir au contrôle généralisé. L’instauration d’un contrôle autoritaire et anonyme sur ce qui, corps et âme, a toujours relevé du privé, est contraire au projet et à l’éthique de la psychanalyse.
Le retournement qui s’opère met chacun dans l’obligation de se soumettre à ce que le gouvernement ose encore appeler des soins. En effet, il est clair que cela inaugure la généralisation de prescriptions de « psychothérapies » régulées par les recommandations de la Haute Autorité de Santé.
Non seulement ceci est contraire à l’éthique médicale depuis ses origines, mais c’est strictement antithétique à l’exercice de notre art. Toute psychanalyse digne de ce nom exige de créer dans le transfert un espace dégagé des intentions de l’Autre où se trouvent captées les figures de son aliénation, auxquelles le patient répond par un symptôme. Autrement dit, le praticien se garde de toute demande excessive envers son patient, y compris de le « guérir ».
On ne voit pas, dans ces conditions, comment la psychanalyse pourra encore relever l’enjeu vital pour elle-même du traitement des psychoses. S’ouvre aussi une perspective hygiéniste vertigineuse qui permettra ensuite d’imposer un traitement aux « déprimés » ou à toute autre « population » qu’il s’agirait de normaliser.
Le Cercle Freudien soutient donc à plusieurs titres les positions de refus du collectif des 39 du projet de loi sur la psychiatrie.
Le Conseil d’administration du Cercle Freudien