« La première tentative pour l’infans de transformer le pâtir en agir consiste à s’emparer du langage en vocalisant. Il ne peut y avoir encore d’adresse dans cette première vocalisation : il n’y a ni petit autre, ni grand Autre. La jouissance du babil donnera naissance à la pulsion invocante dont elle marque le début. C’est l’expérience d’une jouissance totalement satisfaisante mais qui ne comble rien du tout, même partiellement. Bien entendu, pour pouvoir babiller, il faut avoir été plongé dans un bain de parole. Imiter le langage qui nous a décomplétés équivaut à mettre en acte ce que nous avons subi. Ce sera l’origine du désir, ce qui nous sortira de la jouissance incestueuse. Cette première jouissance active n’est pas encore du désir, ce sont ses prolégomènes. Mais cet agir sera ce qui nous pousse vers la subjectivation. La prise en compte de ce fait et de l’éthique qui en découle justifie l’acte analytique et la psychanalyse en tant que discipline. »
Marc-Léopold Lévy s’attache à développer certains aspects de la jouissance en tenant compte des lieux du corps, corps de soi ou corps de l’autre où celle -ci opère. Cette répartition est en lien avec ce que, passivement ou activement, le vivant-parlant désire recevoir de l’autre ou lui faire subir. Tenir compte réellement des éclats de jouissance dans leurs diverses modalités relève d’une éthique qui servira au psychanalyste à régler son acte afin d’obtenir un gain thérapeutique en coupant dans la jouissance du patient, toujours en excès, pour qu’il puisse accéder au désir qui le constitue.
Textes rassemblés et annotés par Anne-Marie PICARD