TRANSFERT ET CONTRETRANSFERT DANS LE TRAITEMENT
DES PSYCHOTIQUES ET DES AFFECTIONS PSYCHOSOMATIQUES
Il peut paraître étrange que j’ai choisi de traiter à la fois du traitement des psychotiques et des personnes présentant des troubles psychosomatiques car il s’agit de deux situations qui, du point de vue du transfert et du contretransfert sont presque diamétralement opposées, je veux dire : la situation de l’analyste telle que l’a exposée Margaret Little, et la situation du prophète-guérisseur. Invité à faire un exposé, je me suis dit que j’allais parler un peu, de la sorte, des deux livres parus au cours du premier trimestre de cette année : « Marion Milner et Margaret Little. Actualité de leur travail avec des psychotiques » chez Erès, d’une part, et « Les Prophètes-Guérisseurs du Sud de la Côte d’Ivoire » chez L’Harmattan, d’autre part, n’ayant pas eu l’occasion jusque là de les présenter au Cercle pour en discuter.
Je commencerai par le premier de ces deux livres que je voudrais vous encourager à lire – si vous ne l’avez pas déjà fait – ne serait-ce que parce que vous y trouverez le résumé d’un volume de Margaret Little, inconnu des lecteurs français, rapportant l’histoire d’une longue analyse de psychotique, et que vous trouverez également le compte-rendu des premières séances d’une cure de psychotique en plein délire, menée par Christine Royer-Lumbroso. Ne pouvant pas, bien sûr, évoquer, ne serait-ce que très succinctement, l’ensemble des œuvres de Marion Milner et de Margaret Little, je me limiterai à reprendre les positions soutenues par Margaret Little, concernant les cures de psychotiques. Ces positions reposent sur ses conceptions du transfert et du contre-transfert. Vous savez au moins, de par ce qu’en a dit ou médit Lacan au cours de son premier séminaire et lors du séminaire sur l’angoisse, que sur le contre-transfert, Little en connaissait et en avait expérimenté un bout quand elle avait pris en charge, analytiquement, des psychotiques. Comme Robert Langs, je pense qu’ « à une époque ou les analystes étaient phobiques du contretransfert, elle fut à même d’explorer cet aspect de l’interaction thérapeutique en faisant preuve d’une créativité encore rare de nos jours chez les auteurs analytiques. » Pour tenter de mettre à l’aise celles et ceux d’entre vous qui considèreraient toujours « contretransfert » comme un gros mot à proscrire du vocabulaire analytique, je proposerai non pas de parler du transfert de l’analyste mais de « sensibilité transférentielle de l’analyste, le ou la rendant capable d’accueillir pleinement les côtés délirants du transfert de l’analysant », cette manière de dire me semblant bien décrire ce que Margaret Little désignait. Cette sensibilité se réfère à la capacité inconsciente d’un individu de percevoir le monde de l’autre ; capacité qui permet un contact profond avec ce monde de l’autre et entraîne une confiance plus grande en ce qu’on ressent, qu’en ce qu’on déduit par le raisonnement, même si on ne crache pas sur la raison. Et j’ajouterai que le don de cette capacité n’est pas l’apanage de tous les analystes : en sont surtout doués celles et ceux qui ont eu à faire, dans leur histoire personnelle, à la psychose et qui ont eu la chance de s’en sortir au cours de leur traversée analytique.
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